Selon l’article 972 du Code civil, le testament authentique doit à peine de nullité être dicté au Notaire en présence de témoins.
Un cas d’espèce soumis à la Cour de Cassation (Arrêt rendu en date du 29 juin 2011) a donné une importante indication sur le mode d’interprétation de cette disposition.
L’affaire concernait une personne qui avait fait dresser avant son décès un testament authentique en faveur d’une Fondation pour l’instituer légataire universelle, ce qui avait pour effet de priver de droit sa nièce, seule héritière.
Le Notaire avait à cette fin préparé un projet dactylographié. La testatrice lui avait ensuite de vive voix et devant témoins confirmé ses dernières volontés. Le Notaire avait pour sa part relu le testament manifestant sa volonté, par ailleurs déjà exprimée dans des actes antérieurs. Selon l’attestation des témoins, le Notaire lisait une phrase et la de cujus la répétait et acquiesçait, il lui présentait le testament pour qu’elle le lise, elle le lisait, acquiesçait et le signait.
L’héritière a sollicité, sur le fondement des articles 971 et 972 du Code civil, la nullité du testament authentique pour défaut de respect des formes impératives qu’ils prescrivent.
Les Juges du fond de la Cour d’Appel d’Amiens lui avaient donné tort en appliquant une interprétation souple des textes légaux, estimant que les procédés employés étaient suffisamment protecteurs pour équivaloir à la dictée exigée par le Code civil.
Saisie de son pourvoi, la Cour de Cassation quant à elle lui donne finalement gain de cause, et annule le testament en l’absence de rédaction de l’acte sous la stricte dictée de la testatrice.
Cette solution peut paraître très rigoriste en raison des formes qui avaient été employés par le Notaire.
Elle n’en est pas moins fondée sur la lettre explicite du Code civil.
Elle peut par ailleurs être saluée comme étant très protectrice de la volonté du défunt. En effet, est banni le projet pré-rédigé de testament authentique, le Notaire ayant l’obligation de le rédiger ab initio, en partant de zéro, sous la dictée du de cujus et devant témoins le corpus de l’acte.
Ainsi, le consentement du testateur ne peut faire l’objet d’une préparation préalable et privée, par l’établissement d’un projet hors du champ de vision des témoins, au cours duquel pourrait être exercées des pressions ou des influences extérieures.
En tout état de cause, cette décision pourra être la source de bien des actions en annulation de testament, et précise nettement les obligations du Notaire.
Votre jurisprudence n’est pas à jour en effet ce testament a été validé en tant que testament international par la cour d’appel de Douai qui a statué sur renvoi après cassation puis par la cour de cassation dans un second arrêt en date du 12 juin 2014 (pourvoi 13-18383) jurisprudence confirmée par un second arrêt du 1er avril 2015 dans un cas similaire; en effet pour la Haute cour « l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies ; qu’ayant constaté que toutes les conditions prévues par la loi uniforme sur la forme d’un testament international avaient été remplies à l’occasion de l’établissement du testament reçu le 11 janvier 2006, la cour d’appel en a justement déduit que cet acte, déclaré nul en tant que testament authentique, était valable en tant que testament international ; que le moyen n’est pas fondé ». Et heureusement car il ne fait aucun doute que le testament e faveur de la fondation reflétait parfaitement les volontés de la défunte qui avait tout à fait le droit de déshériter sa nièce. Cette condition de dictée archaïque remonte au 16ème siècle, époque où la transmission était basée sur l’oralité mais elle n’a plus aucun sens à l’heure actuelle, elle n’ést d’ailleurs plus utilisée qu’en France, il semble évident que le testateur qui n’a aucune connaissance juridique ne peut pas dicter stricto sensu son testament surtout s’il est un peu complexe alors que le notaire qui lui a des compétences juridiques serait réduit au rôle d’une simple dactylo. Quand vous parlez des pressions qui pourraient être exercées pendant la phase de préparation du testament je ne vois pas quel intérêt aurait le notaire à faire pression sur sa cliente pour qu’elle laisse son héritage à une fondation plutôt qu’à sa nièce, d’autant que c’est elle qui a contacté le notaire, a approuvé la lecture et a signé devant témoins, comme cela est d’usage dans tous les autres pays ! Ce formalisme de dictée, au lieu de protéger les volontés du testateur, est finalement utilisé par les héritiers mécontents pour remettre en cause un testament qui reflétait parfaitement la volonté du testateur et bénéficier d’un héritage que celui-ci ne leur destinait pas. Cela crée donc une immense sécurité juridique pour le testateur qui cherche à protéger ses volontés en passant par la forme authentique et qui aura ses dispositions contestées pour un problème de forme qu’il ne peut connaître (à moins d’être lui même un juriste expérimenté) et que ce testament est justement censé éviter alors qu’il n’est pas contesté que le testament exprime la volonté du défunt. Donc pas du tout protecteur des volontés du défunt, comme vous disiez, car en cas d’annulation l’héritage reviendra aux héritiers présomptifs que le testateur voulait précisemment écarter ! Et au final cela revient à retirer au testateur son droit de disposer librement de ses biens puisqu’il est en théorie libre de déshériter sa nièce (dans le cas présent) et que cela a failli ne pas se faire en raison d’un formalisme qu’il ne pouvait guère connaître.Le formalisme a pour rôle de protéger la volonté du testateur, pas d’empêcher son expression ! Heureusement que dans la plus récente jurisprudence (citée en début de message) la cour de cassation a changé son positionnement et valide maintenant ces testaments à partir du moment où il est établi qu’ils respectent bien le plus important : la volonté du défunt, et qu’elle utilise pour ce faire le droit international moins archaïque sur le formalisme mais plus centré, in fine, sur le respect de la liberté du défunt. Cordialement
Cher Monsieur,
Je vous remercie de ce commentaire.
Mon article date de juin 2011 et est donc antérieur aux décisions que vous citez. Il est bien évident qu’un commentaire de Jurisprudence ne peut se fonder que sur l’état de la Jurisprudence (par nature susceptible d’évolutions) au moment où il est rédigé.
Pour le reste, votre appréciation sur la condition de dictée du testament relève de votre propre jugement de valeur. L’ancienneté d’une institution n’est pas forcément synonyme de désuétude, bien au contraire, et les solutions qui s’appuient sur une longue tradition juridique sont souvent bien mieux fondées parce qu’éprouvées par le temps que celles qui se parent artificiellement de modernité.
La condition de dictée semble être un moyen essentiel, sinon le seul moyen, permettant de vérifier que la rédaction de l’acte authentique reflète bien la volonté libre de son auteur et non d’un intervention éventuelle de son entourage, qui peut avoir une influence sur sa rédaction.
Le Notaire étant, en matière de testament authentique, rédacteur, il lui appartient de s’assurer d’une transmission directe de la volonté du testateur (et quoi de plus direct que l’oralité), mais aussi de la clarté de sa pensée.
Le débat ne paraît donc pas clos.
J’ajoute enfin que le testament international que vous évoquez est lui-même soumis à des formes juridiques précises.
Bien à vous,
OW
Bonjour,
Souhaitant faire établir un testament pour organiser ma succession (personne seule sans enfants) j’aurais naturellement eu tendance à préférer un testament authentique plus sûr qu’un testament olographe mais ce problème de la dictée m’amène à me poser des questions. En effet l’application stricte du terme « dictée » signifie-t-elle que le notaire à l’obligation de reproduire mot à mot ce que lui dit le testateur même si celui-ci , n’ayant pas de formation juridique particulière, n’emploie pas la formulation juridique adéquate, ce qui peut rendre le testament inopérant, ou peut-il transcrire les paroles du testateur en langage juridique apte à produire effet ? En effet, si c’est vraiment du mot à mot obligatoire, cela me semble poser un sérieux problème pratique car n’ayant pas de formation juridique particulière, comment pourrais-je dicter mon testament au sens strict du terme avec les termes juridiques adéquats alors que je ne les connais vraisemblablement pas tous? Le notaire a-t-il vraiment l’interdiction d’adapter la dictée de son client avec des termes juridiques adéquats, même si cela rend le testament inopérant ? Ce point semble mériter une un éclaircissement. Je comprends que la loi se doive d’organiser précisément la forme du testament pour éviter les manipulations, mais elle doit aussi garantir la sécurité juridique aux personnes qui ont besoin d’utiliser ce moyen pour organiser leur succession tout en étant en pleine possession de leurs facultés intellectuelles (ce qui est mon cas), et que leurs volontés puissent être correctement exécutées, et il est normal, quand on a travaillé toute une vie, de souhaiter que l’argent qu’on a gagné puisse être transmise aux oeuvres que l’on a choisies sans subir les attaques de parents éloignés qui ne se préoccupent pas de vous mais veulent bien de votre héritage. Quelle forme de testament est donc la plus apte à garantir la sécurité juridique du testateur finalement ? Merci pour votre réponse.
Chère Madame,
Vos questions juridiques personnelles demandant des réponses précises et adaptées, je vous prie de bien vouloir contacter mon cabinet en vue d’une consultation.
Bien à vous,
OW