Les droits du conjoint survivant dans la succession
Le conjoint dispose d’une palette étendue de droits à l’égard de la succession de son époux, fruit de différentes strates législatives successives.
Dans ce contexte et de manière évidemment complexe notamment en présence de familles dites « recomposées », le décès d’un personne mariée peut engendrer un conflit entre les différents droits concurrents des héritiers et ceux de l’époux survivant.
Les héritiers en présence seront généralement les enfants issus de l’union avec le conjoint survivant, les enfants issus d’un autre lit, les parents, ainsi que les frères et sœurs du défunt.
Se pose alors naturellement la question de savoir quelle est la part de la succession du défunt à laquelle peut prétendre le conjoint survivant, et quelle sera son articulation avec les prérogatives des autres héritiers.
Si la loi règle de façon générale la répartition des parts de la succession du défunt en fonction de la qualité de chacun des héritiers, la loi permet aussi de modifier pour accroître l’étendue de ces droits par des dispositions prises du vivant du défunt.
1. Le régime légal
Lorsqu’une personne mariée décède, le conjoint survivant dispose d’un réel statut légal d’héritier.
En conséquence, ses droits à la succession doivent s’articuler avec ceux des autres héritiers, et notamment avec sa descendance directe.
1.1 En présence d’enfants uniquement nés du mariage
Lorsque le défunt n’a eu d’enfants qu’avec le conjoint survivant, celui-ci dispose de deux options au décès : l’usufruit de la totalité des biens du défunt ou la pleine propriété du quart de ses biens.
La première option correspond à un démembrement des droits de propriété, à savoir l’usufruit d’un côté qui bénéficiera au conjoint survivant, et la nue-propriété de l’autre qui ira aux enfants du couple.
L’usufruitier bénéficiera d’un droit viager d’usage et de jouissance libre.
Il sera aussi en droit de collecter l’ensemble des « fruits » des actifs successoraux (loyers, fruits de la terre, intérêts etc.).
Il ne peut toutefois pas librement disposer du bien pour en transmettre la propriété.
Le nu-propriétaire est de son côté le propriétaire du bien, sans en avoir les droits d’usage, de jouissance et de perception des fruits.
Il n’aura vocation à avoir la propriété entière et absolue qu’à la cessation de l’usufruit (cf. article 617 du Code civil) qui intervient notamment au décès de l’usufruitier.
La seconde option, si elle n’octroie que la propriété d’un quart des biens du défunt, en donne immédiatement la propriété entière et absolue à hauteur de cette quote-part.
Ce choix d’options, qui naît à l’ouverture de la succession, est un droit incessible et ne peut être exprimé que par le conjoint lui-même.
Toutefois les autres héritiers peuvent former une demande au conjoint survivant d’opter dans les trois mois.
Passé ce délai, il sera réputé avoir opté pour l’usufruit.
Cette démarche suppose que le conjoint soit averti de l’enjeu de la réponse attendue.
Au même titre, s’il décède avant d’avoir exprimé son choix, il sera aussi réputé avoir opté pour l’usufruit.
Or, le décès étant une cause d’extinction de l’usufruit, les droits de succession dévolus au conjoint survivant seront alors inexistants et les nues-propriétaires se verront titulaires de l’ensemble des prérogatives de la pleine propriété.
1.2 En présence d’enfants nés hors mariage
En présence d’enfants du défunt issus d’une autre union que celle existant avec le conjoint survivant, celui-ci ne peut recevoir que la propriété du quart des biens du défunt, sans pouvoirs dans ce cas opter pour l’usufruit de la totalité du patrimoine du défunt.
Si le défunt ne laisse pas d’enfant et qu’il a toujours ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié de ses biens, et les parents du défunt se partagent l’autre moitié.
Si le défunt ne laisse pas d’enfants, et qu’il ne lui restait qu’un seul parent, le conjoint survivant reçoit les trois-quarts des biens, et le parent survivant recevant le quart restant.
Si le défunt n’a ni descendant, ni père ni mère, le conjoint survivant hérite de tout, à l’exception des biens que le défunt avait reçus par donation ou succession de ses parents.
La moitié de ces biens reviendra aux frères et sœurs du défunt ou à leur descendance.
Libéralités et autres avantages envisageables
2.1 Donation au dernier des vivants
Chaque conjoint peut prévoir au bénéfice de l’autre époux une « donation au dernier vivant ».
Cette donation peut être l’objet d’un un acte spécifique, passé devant notaire, ou de dispositions testamentaires.
Cet acte de volonté, qui doit être exprimé de façon précise et explicite, permet au conjoint survivant de percevoir davantage que ce que prévoit le régime légal des successions.
Ainsi, même en présence d’enfants issus du couple ou d’une autre union, le conjoint survivant pourra recevoir soit l’usufruit de la totalité des biens, soit un quart de la totalité des biens en pleine propriété et les trois quarts restant en usufruit, soit la pleine propriété de la quotité disponible de la succession.
La quotité disponible correspond à la moitié des biens disponible du défunt si celui-ci laisse un enfant, un tiers s’il en laisse deux et un quart s’il avait trois enfants ou plus.
A titre d’exemple, si le défunt avait deux enfants (issus ou non de la même union), le conjoint survivant bénéficiant d’une donation au dernier vivant pourra recueillir un tiers des biens du défunt, alors que le régime légal ne lui permettrait que d’en recevoir un quart en pleine propriété.
Lors de la rédaction de l’acte, le donateur peut laisser le choix à son conjoint d’opter, le jour venu, pour la formule qu’il préfère ou, au contraire, limiter cette faculté.
Si le conjoint survivant décède avant d’opter, les héritiers de celui-ci disposent du droit d’opter pour son compte.
Si l’époux n’a pas de descendance, l’époux se trouvera libre de donner la totalité de son patrimoine à son conjoint.
2.2 Assurance-vie
Outre le mécanisme de donation au dernier vivant, chaque époux peut souscrire une assurance vie dans laquelle l’autre conjoint est désigné comme bénéficiaire.
Cette souscription permet d’augmenter le capital que le conjoint survivant percevra en pleine propriété au jour du décès.
Le capital ou la rente payables au décès du souscripteur de l’assurance-vie à un bénéficiaire déterminé ne sont en effet en principe soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers, et sont ainsi considérés comme hors succession par le Code des assurances, le conjoint survivant pouvant ainsi en recevoir l’intégralité des fruits sans que leur montant ne soit en principe limité par les règles du partage successoral.
Le Code des assurances prévoit toutefois un tempérament à ce principe qui régit le dénouement de l’assurance-vie, les primes d’assurance pouvant revenir dans le régime général du partage successoral et du système des réductions et rapports si elles ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés du de cujus.
Il en résulte une jurisprudence nuancée quant à la définition de ce caractère « manifestement exagéré ».
En conclusion, il apparaît que les règles qui ont pour objet l’articulation entre les droits du conjoint survivant (qu’elle garantissent) et ceux des autres héritiers sont complexes et qu’elles peuvent être l’objet d’interprétation et de contentieux délicats.
L’intervention d’un conseil avisé aura toute son importance pour les mettre en œuvre ou les contester.