Dans un contexte de compétition économique exacerbée, l’employeur peut avoir la tentation de fixer des objectifs financiers de plus en plus exigeants à l’endroit de ses salariés et, s’ils ne sont pas atteints, d’envisager le licenciement.
Si cette pratique peut se multiplier, elle n’est cependant pas sans limite, le droit du licenciement étant appelé à l’encadrer.
- Bref rappel des règles de fixation des objectifs
1) Pour rappeler brièvement les modalités de fixation des objectifs au sein de l’entreprise, ils peuvent en premier être fixés d’un commun accord, contractuellement, entre le salarié et l’employeur.
C’est pour ce dernier la solution idéale, puisque le salarié ne pourra contester avoir eu connaissance de l’objectif.
Mais la direction de l’entreprise peut aussi procéder (sauf si le contrat de travail exige un commun accord) à une fixation unilatérale des objectifs, à condition qu’ils soient communiqués valablement au salarié et suffisamment tôt pour qu’ils soient opposables à l’employé et réalisables.
2) L’employeur ne peut cependant introduire dans le contrat de travail d’origine une « clause couperet », qui consisterait à prévoir un licenciement automatique au cas où les objectifs ne seraient pas atteints.
En effet, l’absence d’atteinte des objectifs ne constituant pas en elle-même un motif suffisant de licenciement (comme il sera rappelé, il est exigé qu’une faute ou une insuffisance professionnelle soit révélée derrière cette absence d’atteinte des objectifs), et la Jurisprudence refusant généralement qu’une cause de licenciement soit évoquée dans le contrat de travail pour en laisser la libre appréciation du bien-fondé aux juridictions, une telle clause serait considérée comme nulle.
II – Le contrôle des juridictions prudhommales sur le licenciement motivé par le défaut d’atteinte des objectifs
1) En lui-même, le défaut d’atteinte des objectifs ne suffit pas à justifier le licenciement.
Il faut d’une part que ce défaut d’atteinte soit intrinsèquement sensible et non infime pour que l’employeur puisse raisonnablement s’en prévaloir.
2) Il faut d’autre part que puisse être caractérisée une faute ou une insuffisance professionnelle, cas d’ouverture classiques du licenciement, pour que le licenciement revête une cause réelle et sérieuse.
Les juges sont donc attachés à rechercher si la raison de la non-atteinte des objectifs n’est pas extérieure au salarié.
Dans ce contexte il appartient au Juge, sur le fondement des éléments portés à sa connaissance, de rechercher si les objectifs fixés étaient réalistes, et cela même si le salarié les a acceptés dans son contrat de travail.
3) Peuvent être pris en considération :
- La conjoncture économique.
En effet, le salarié ne peut évidemment être tenu pour responsable de cette conjoncture.
Les objectifs fixés doivent en conséquence selon la Jurisprudence être compatibles avec l’état du marché, et le licenciement doit être jugé comme sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est motivé par un défaut d’atteinte d’objectifs irréalistes compte tenu de la situation dudit marché.
En outre, si les objectifs sont très fortement augmentés, à moyens constants, pour un salarié au regard d’un prédécesseur ou entre deux exercices consécutifs, il peut être présumé que l’objectif fixé n’est pas réaliste au regard du marché considéré.
- Les conditions de travail du salarié.
Si le salarié n’a pas par exemple le pouvoir de prendre les décisions nécessaires à une amélioration commerciale, ou encore s’il ne dispose pas des moyens techniques permettant d’assumer une augmentation des objectifs, le licenciement pourra être contesté.
De même, si l’insuffisance de résultat est imputable à des décisions de l’employeur (mauvais choix commerciaux, erreur entrainant une perte de marché…), le licenciement du salarié interviendrait sans cause réelle et sérieuse.
- Le temps laissé au salarié pour atteindre ses objectifs.
L’employeur doit encore laisser au salarié le temps de faire ses preuves et un délai raisonnable et adapté pour accomplir ses objectifs.
A défaut, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, ce qui a pu être le cas par exemple en Jurisprudence dans l’hypothèse d’un court délai de moins de 3 mois laissé au salarié à la suite d’une période d’essai.
L’employeur doit également respecter la période d’évaluation des objectifs initialement prévue et ne peut valablement se projeter dans l’avenir pour anticiper un résultat et prétendre qu’il ne pourra pas être atteint pour procéder au licenciement.
- L’analyse des résultats des autres salariés.
Dans sa recherche d’une faute ou d’une insuffisance professionnelle, le Juge peut également être amené à comparer les résultats du salarié avec ceux des autres employés dans des situations équivalentes, ou encore avec ceux de ses prédécesseur et successeur.
Ainsi, si les résultats du salarié sont par exemple inférieurs à ceux présents sur le même site et occupant des fonctions comparables, le licenciement risque bien d’être justifié.
Cependant, s’il est en mesure de procéder à un comparatif avec d’autres salariés, le Juge ne sera pas pour autant dispensé de qualifier une faute personnelle de l’employé licencié ou une insuffisance professionnelle pour apprécier le bien-fondé de la rupture du contrat de travail.
L’insuffisance professionnelle peut en ce sens par exemple être caractérisée si l’employeur démontre que la prospection de clientèle a été négligée par le salarié.
La faute peut quant à elle survenir par exemple si l’employé n’a pas exécuté des tâches précises prévues à son contrat de travail.
III – Sanction du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dans l’hypothèse où l’employeur, tout en se prévalant de l’absence d’atteinte des objectifs imputés à son salarié, se trouverait en incapacité de démontrer une faute ou une insuffisance professionnelle dont il aurait allégué l’existence pour procéder au licenciement, le licenciement se trouverait qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette qualification ouvre des droits indemnitaires importants pour le salarié, s’agissant notamment de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui se calcule principalement en fonction de l’ancienneté du salarié et des préjudices subis.
Le Conseil des Prud’hommes a compétence pour statuer sur la contestation du motif de licenciement et statue sur les demandes indemnitaires qui lui sont présentées dans ce cadre.
Sont ainsi sanctionnés les licenciements abusifs que peuvent subir les salariés.