I. La portée de l’obligation de sécurité du salarié
L’employeur est soumis à des obligations strictes à l’égard de son salarié, parmi lesquelles on compte notamment celle, qui apparaît comme un impératif absolu, d’assurer et de protéger la santé et la sécurité du personnel.
Cette obligation est énoncée à l’article L.4121-1 du Code du travail selon lequel « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », le présent de l’indicatif ayant ici valeur d’impératif.
Le texte de loi va plus loin encore en énonçant qu’il doit également veiller à la « prévention contre les risques professionnelles » ou encore organiser des « actions d’information et de formation », ainsi que la « mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ».
Il lui appartient également de s’assurer de « l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Outre ces dispositions générales, l’article L.4121-2 du Code du travail donne des directives à l’employeur afin de se conformer à son obligation, à travers une liste de neuf principes auxquels il est astreint, et qui sont ainsi énoncés :
« 1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».
On notera ici, au milieu de ces directives précises que l’employeur est tenu de respecter, que la prévention du harcèlement moral ou sexuel, ainsi que tout agissement sexiste se trouvent naturellement imbriqués dans l’obligation de sécurité de l’employeur.
II. La faute inexcusable de l’employeur et ses sanctions
La méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité peut avoir des conséquences lourdes pour ce dernier.
En effet, si cette méconnaissance est constituée, l’employeur encourt la qualification de faute inexcusable, qui se qualifie désormais comme une faute objective et a évolué pour être caractérisée même en l’absence d’une intention de la commettre.
L’employeur, en manquant à son obligation de sécurité, s’expose à devoir indemniser le salarié de tout préjudice subi du fait de ce manquement. De plus, le salarié pourra rechercher judiciairement à imputer à l’employeur une rupture fautive de son contrat et solliciter à ce titre une indemnisation équivalente à celle d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une autre option, accordée à l’employé par l’article L.4131-1 du Code du travail, est celle du retrait. On désigne par droit de retrait la possibilité pour le salarié de prendre la mesure des risques dans son environnement professionnel et d’en tirer les conséquences en quittant son poste s’il estime qu’il existe un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Toute recherche d’une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et tout exercice du droit au retrait nécessitent toutefois de la part du salarié des précautions préalables et notamment la constitution des preuves nécessaires à l’existence et à l’importance du risque entravant la poursuite de sa mission, afin que son geste ne puisse être interprété comme une faute voire comme une démission en cas de prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.
III. L’évolution de l’obligation
L’obligation de résultat pesant sur l’employeur au titre de la sécurité dans l’entreprise a pu être perçue comme atténuée, dès lors que la Jurisprudence actuelle ne fait pas un lien véritablement automatique entre dommage subi dans l’exercice du contrat de travail et responsabilité de l’employeur.
Ainsi, par un arrêt du 25 novembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu estimer, dans un arrêt « Air France » que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».
Cependant, si une possibilité de s’exonérer de sa responsabilité est ainsi expressément ouverte à l’employeur, elle lui impose toutefois de rapporter la preuve de ses propres démarches, qui doivent être précises, la charge de la preuve incombant de ce point de vue toujours de manière stricte à l’employeur.
Le même principe a appliqué en Jurisprudence au harcèlement moral par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 1er juin 2016.
Le salarié conserve donc d’importantes capacités d’actions pour faire sanctionner son droit à la sécurité, et il appartient donc à l’employeur d’être très précautionneux en la matière.
Peut enfin être évoquée une grande problématique posée actuelle en droit du travail par la numérisation, et du risque de connexion trop fréquente des travailleurs à leurs outils professionnels, y compris en dehors de leur lieu de travail, dans leur cellule familiale ou pendant leurs congés.
La « Loi Travail » actuellement en discussion cherche à instaurer un droit à la déconnexion des employés, et à imposer aux entreprises la mise en place des instruments de régulation de l’outil numérique. La méconnaissance de ce droit constitue également un manquement à l’obligation de sécurité.
En tout état de cause, en cas de risque causé à la santé ou à la sécurité du salarié, ce droit à la « déconnexion » pourrait être l’occasion d’une nouvelle évolution de la Jurisprudence.
Olivier WIELBLAD
Avocat à la Cour